Le dernier Roi d'Écosse est un film extraordinaire qui retrace l'histoire d'un jeune médecin écossais coopérant en Ouganda qui devient, par un concours de circonstances, l'un des plus proches conseillers du Président Idi Amin Dada.
Quel rapport avec le leadership, me demanderez-vous ?
Presque tout, dans la mesure où ce film aborde largement les thèmes liés au pouvoir (qui attire et corrompt), à la responsabilité, au charisme, à l'éthique et surtout, à l'aréopage qui entoure les leaders, avec ses compromissions et manipulations.
N'allez pas en déduire que j'admire Idi Amin Dada, auquel on attribue quand même la bagatelle de 300 000 morts. Mais le personnage est intéressant à plus d'un titre, dans la mesure où il a mis au service d'une mauvaise cause un réel charisme et de vraies caractéristiques de leader.
En particulier, je souhaite revenir sur une scène anecdotique dans le film, mais riche d'enseignements sur le plan de la relation entre conseiller et leader.
À un moment donné, le Président Amin Dada souhaite expulser tous les Asiatiques du pays. Il en parle avec son jeune conseiller qui lui déconseille de le faire. Le Président passe outre et donne l'ordre d'exécution d'une décision qui se révèle, en fin de compte mauvaise.
Lorsqu'il s'aperçoit de son erreur, le Président convoque son conseiller et le dialogue suivant s'engage :
Le Président : "Tu aurais dû me dire de ne pas expulser les Asiatiques !"
Le conseiller : "Mais je vous l'avais dit !"...
Le Président : "Oui, mais tu n'as pas su me convaincre" !
Et tel est là mon propos du jour : il est confortable d'endosser l'habit de proche conseiller de la direction générale. Conseiller sans devoir trancher, bénéficier de la protection du chef, jouir d'une rémunération confortable... en oubliant que la vraie responsabilité qui justifie toutes ces contreparties, ne consiste pas à simplement émettre un avis, mais à convaincre.
Convaincre, est une obligation de résultat qui s'applique à n'importe quel conseiller du CEO : directeur des ressources humaines, consultant indépendant, directeur financier... on ne peut se contenter de penser "je lui ai dit ce que je pensais, maintenant, c'est son problème s'il ne m'écoute pas". Non, un bon conseiller a le devoir de convaincre. Et c'est d'autant plus difficile que la relation hiérarchique est inversée.
Malheureusement, que ce soit en politique ou en entreprise, certains se contentent de pratiquer la flatterie (aussi appelée cirage de pompes, ou désignée par d'autres expressions encore plus imagées...), alors que d'autres osent parfois exprimer mollement leur avis, en s'empressant de préciser dès la phrase suivante que c'est évidemment le chef qui décide.
Certains pensent qu'il s'agit de la seule stratégie de survie possible auprès de certains CEO. Toutefois, pour avoir été des deux côtés de la barrière conseiller-décideur, je ne pense pas que ce soit jamais une stratégie payante à long terme. Si le CEO est à ce point mauvais, il finira par être remplacé, et vous aurez des difficultés à assumer votre stratégie passée et à en changer. S'il n'est pas si mauvais, il finira par se rendre compte des conseillers qui lui apportent une vraie valeur ajoutée.
Et s'il faut que le fusible saute, pour des raisons d'amour propre, je préfère qu'il saute à l'occasion d'une confrontation avant que la mauvaise décision ne soit prise, que par défaut d'avoir su convaincre, une fois les pots cassés.
Alors, pensez au billet d'aujourd'hui : si vous faites partie d'un comité de direction, votre rôle, c'est de convaincre le boss, pas de le flatter ni d'exécuter ses ordres si vous pensez qu'il se trompe !
Pour aller plus loin
Pouvoir convaincre sans disposer de l'autorité hiérarchique, c'est un concept qui s'appelle le management transversal et qui fait l'objet d'une abondante littérature : résultats de recherche.
Comment convaincre ? résultats de recherche.
Et pour commencer, pourquoi ne pas voir le film !
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